Quand on est victime de harcèlement au travail, il est souvent difficile de trouver la bonne manière de réagir à ces comportements indésirables. En compagnie d’Elfi Baillien (KU Leuven), nous examinons l’ampleur du problème et ce que l’on peut entreprendre pour mettre fin à ce genre de situations.
Cela commence souvent par une plaisanterie d’apparence innocente, qui peut toutefois bien vite dégénérer. Un collègue vous affuble d’un sobriquet amusant et, en un rien de temps, il se répand dans toute l’entreprise et vous l’entendez résonner dans la cafétéria pendant la pause de midi. Comme vous ne savez pas bien comment réagir, vous faites comme si de rien n’était. « De nombreuses victimes de harcèlement se reconnaîtront dans ce scénario », affirme Elfi Baillien, chargée de cours à la KU Leuven, qui mène des recherches sur le harcèlement au travail. « Au début, on n’a pas envie de se fâcher pour une blague aussi stupide, mais l’absence de réaction pousse précisément le harceleur à aller toujours plus loin. À un moment donné, on se retrouve dans une situation où l’on n’ose plus rien dire. La victime a peur de faire l’objet de railleries si elle se confie à quelqu’un, elle pense qu’on ne voudra pas la croire ou qu’elle se fera rabrouer. »
3,6 % de travailleurs victimes de harcèlements graves
Le problème du harcèlement au travail ne doit pas être sous-estimé, prévient Elfi Baillien. Ses recherches ont mis en évidence deux formes de harcèlement : la première porte sur l’identité de la personne, la seconde vise à l’empêcher de faire son travail. Le groupe le plus gravement touché subit la combinaison des deux formes. « 3,6 % des travailleurs belges sont dans ce cas extrême. Une proportion qui peut sembler plutôt réduite, mais en nombre absolu, cela représente un bon groupe de personnes qui doivent subir des intimidations au quotidien. Ces travailleurs risquent de jeter l’éponge à tout moment et, qui plus est, ce taux reste stable. Nous constatons toutefois que les entreprises qui s’engagent dans la lutte contre le harcèlement parviennent à réduire le nombre de cas. » Les employeurs ont donc un rôle à jouer, par exemple en matière de prévention. Mais les victimes de harcèlement ne doivent pas non plus se résigner. Elfi Baillien énumère quelques actions qu’elles peuvent entreprendre elles-mêmes
1. reconnaissez le problème
« Arrêtez de douter de vous-même », répond tout de go Elfi Baillien lorsque nous lui demandons comment un travailleur peut briser le cercle vicieux du harcèlement. Elle conseille aux employés qui sont victimes de tels comportements de voir la réalité en face et de ne pas penser qu’ils sont font juste des idées. « C’est la première étape indispensable. Malheureusement, beaucoup de gens ne font pas le pas. Il faut examiner la situation le plus objectivement possible : s’agit-il de comportements incorrects que je peux tolérer ou non, est-ce qu’ils exercent une influence négative sur moi ? En se posant ce genre de questions, on parvient à mieux comprendre ce qui nous arrive exactement. »
Cette recommandation fait écho à une discussion qui touche aussi par exemple aux comportements des enfants dans la cour de récréation : quand a-t-on affaire à de simples taquineries ou à un véritable harcèlement ? Selon Elfi Baillien, il est question de harcèlement moral lorsqu’un employé subit des conséquences personnelles : troubles du sommeil, idées noires, fatigue, mauvaises performances, etc. « Il est clair que des conflits peuvent se produire sur le lieu de travail, mais ceux-ci n’entraînent pas forcément de tels effets », souligne Baillien. « Si les taquineries provoquent à un certain moment des problèmes psychologiques, alors on peut parler de harcèlement. Les enfants parviennent difficilement à faire la part des choses, mais les adultes peuvent généralement très bien sentir lorsque la ligne rouge a été franchie. Il faut alors oser voir le problème en face et s’y attaquer. »
2. exprimez votre malaise
Cette deuxième étape, le passage à l’action, est plus facile à dire qu’à faire. Si l’on savait comment mettre un terme au harcèlement, on l’aurait fait depuis longtemps en signifiant à l’auteur qu’il doit changer de conduite. « C’est vrai », reconnaît Elfi Baillien. « Et c’est pourquoi il est souvent nécessaire de chercher de l’aide. La première chose à faire est d’en parler à quelqu’un. Confiez-vous à une personne avec qui vous vous entendez bien. Il n’est jamais bon de refouler le stress causé par le harcèlement. Faites part de votre malaise, par exemple à un collègue, un responsable, une personne de confiance ou un conseiller en prévention. Plus vous en parlerez, plus il vous sera facile de faire face au problème. » Baillien rappelle également que les entreprises sont tenues d’avoir un conseiller en prévention. En outre, elles peuvent désigner une personne de confiance pour assurer le soutien psychosocial des employés. Si, par exemple, le supérieur hiérarchique est l’auteur du harcèlement, le conseiller en prévention ou la personne de confiance sont des alternatives appropriées pour fournir un soutien.
3. demandez une intervention
« Les études révèlent que le simple fait d’en parler suffit à régler le problème pour 80 % des personnes qui entreprennent cette démarche », explique Elfi Baillien. « Pouvoir s’ouvrir à un professionnel qui vous aide à gérer la situation permet dans de nombreux cas d’y mettre fin. » Si ce n’est pas le cas, ces discussions peuvent déboucher sur d’autres mesures. Un collègue peut vous offrir son aide. Ou encore, le contact avec le conseiller en prévention ou la personne de confiance peut donner lieu à une « intervention psychosociale informelle. » Tout employé est en droit d’introduire une telle demande. Au cours de cette intervention, le médiateur mènera une série d’entretiens ou s’efforcera d’obtenir une réconciliation. « Le cadre légal existe, et la personne de confiance ou le conseiller en prévention peut y recourir en fonction du problème », explique Elfi Baillien. « Parfois, cela signifie qu’il faut engager la confrontation avec le harceleur, mais cela peut tout aussi bien passer par des entretiens individuels. »
4. essayez une nouvelle approche
Une intervention s’arrête lorsque le problème est résolu, mais que faire si ce n’est pas le cas et que le harcèlement continue ou reprenne ? « Il ne reste alors qu’une décision à prendre, très difficile et souvent injuste : s’en aller », répond Elfi Baillien. « Le moyen le plus efficace d’arrêter le harcèlement est de trouver un autre emploi. C’est une décision qui sera souvent liée au contexte du lieu de travail. Il se peut par exemple que les autres collègues ne fassent rien pour arrêter les agissements du harceleur. Ou que l’entreprise ne sensibilise pas au problème et ne s’engage pas dans la prévention. Si vous sentez que vous n’êtes plus au bon endroit, il est parfois préférable de quitter ce cadre de travail malsain. »
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