Dans son nouveau livre Iedereen aan ’t werk, Jan Denys approfondit un sujet qui se révèle de plus en plus pertinent en 2024: le plein emploi. Selon les prévisions de Steunpunt Werk, la Flandre devrait atteindre ce seuil d’ici 2030. Nous avons interrogé Jan Denys sur les conséquences qui en découleraient pour le marché du travail et les employeurs.
Iedereen aan ’t werk n’est pas qu’un nouveau livre de Jan Denys parmi d’autres. Au terme de 40 ans de carrière en qualité d’expert du marché du travail, Jan Denys fera ses adieux à Randstad fin octobre. L’occasion de revenir sur l’évolution du marché du travail, mais aussi de se projeter dans l’avenir. Jan Denys voit se dessiner, dans un futur pas si lointain, un marché du travail caractérisé par le plein emploi. Dans une telle situation, 80% de la population âgée de 20 à 65 ans est employée et le chômage se situe entre 3% et 5%. « En 1974, nous avions perdu ce plein emploi, et aujourd’hui, 50 ans plus tard, nous sommes sur le point de le retrouver », explique-t-il. « Iedereen aan 't werk nous retrace l’histoire de cette évolution, mais analyse aussi l’impact social du plein emploi. » (Uniquement disponible en néerlandais.)
le chômage n’est qu’une phase temporaire
Jan Denys souligne que le plein emploi est plus qu’un objectif chiffré, tel que celui que l’on voit souvent surgir dans les objectifs politiques sous la forme d’un taux d’emploi de 80%. Selon lui, le plein emploi offre des opportunités en termes de nouvelles formes politiques et de réformes sociales. « La crise du Covid nous a appris que nous étions capables de nous redresser rapidement, mais que la politique du marché du travail nécessitait un profond remaniement », indique-t-il.
Parmi les trois régions, c’est la Flandre qui, avec un taux d’emploi de 77%, se rapproche le plus du plein emploi. 2030 ne semble pas être un mauvais pari pour Jan Denys, mais plus encore que ce délai rapproché, ce sont les opportunités que peut offrir le plein emploi qu’il souhaite mettre en avant. Ainsi, la Flandre pourrait selon lui viser une « société sans licenciements ». Dans une situation de plein emploi, il devrait être possible d’orienter aussitôt la plupart des travailleurs licenciés vers un autre emploi. « Le chômage ne serait alors plus qu’une phase temporaire », considère-t-il.
la productivité d’abord
En plus de fournir des informations historiques bien documentées, et notamment l’évaluation de tous les ministres de l’Emploi qui ont marqué la politique de ces dernières décennies, Iedereen aan ’t werk propose un condensé fascinant des implications concrètes du plein emploi. L’une des conséquences principales est l’accent qui sera mis sur la productivité. « Dans une situation de plein emploi, la future prospérité dépendra essentiellement de la productivité », affirme Jan Denys, soulignant que les entreprises devront de plus en plus miser sur l’innovation en matière de processus et de produits pour maintenir la prospérité. L’innovation ne pourra d’ailleurs pas rester limitée aux grandes entreprises; les PME auront aussi leur rôle à jouer à cet égard.
changement climatique
C’est cette réflexion qui amène Jan Denys à citer une série d’implications concrètes sur les plans économique et social : la pénurie croissante de services à visage humain, les probabilités d’aboutir à un concept de carrière de 15 à 75 ans ou l’importance croissante de la marque employeur. Parallèlement, il n’hésite pas à évoquer les grandes évolutions de ce siècle. À commencer par le lien entre le plein emploi et les possibilités de mieux gérer la transition climatique. « En investissant dans des emplois verts et des modèles d’entreprise durables, le marché du travail pourra continuer à se développer sans perturbations sociales majeures », poursuit Jan Denys, qui plaide dans la foulée pour davantage de flexibilité et de créativité dans la politique.
pas de pessimisme programmé
Impossible de parler d’un livre qui insiste sur la nécessité d’une productivité renforcée sans évoquer les opportunités de l’IA. La veille de l’interview de Jan Denys, une société de logiciels annonçait que l’IA permettrait à ses collaborateurs de travailler un jour de moins par semaine, sans perte de salaire. Alors que nous lui présentions cet exemple, Jan Denys souligne notre capacité de jugement limitée à propos de l’IA. « Notre imagination n’est pas à la hauteur », estime-t-il. « Nous n’avons aucune idée des nouveaux emplois que l’IA créera, mais bien des emplois qui disparaissent. Cela conduit à une sorte de pessimisme programmé, or ces nouveaux emplois verront le jour, car les besoins humains sont infinis. Le chômage massif tant redouté n’arrivera pas. »
nouveau chapitre
Cette déclaration est révélatrice du message central que Jan Denys veut faire passer: « Nous avons clôturé un chapitre sur le marché du travail, chapitre dans lequel nous avons pu réorienter vers le marché du travail un très grand nombre de personnes sans emploi. Nous avons parcouru un long chemin depuis les années 70; aujourd’hui, nous sommes à la veille d’un nouvel épisode. C’est ce nouveau chapitre qui nous dira comment devenir plus prospères et plus riches, comment continuer à payer nos pensions et à miser sur cette productivité. Ne nous y trompons pas: ce défi-là sera plus grand que de remettre tous ces groupes de personnes au travail. « Les opportunités sont là, mais nous devons les saisir, souligne Jan Denys en guise de conclusion. « Saisir les opportunités, cela signifie très concrètement que nous devons d’ores et déjà anticiper l’avenir stratégiquement. Les entreprises doivent réfléchir dès à présent à la manière de maintenir la productivité de leurs travailleurs tout en s’adaptant aux nouvelles technologies. »