Les femmes rattrapent les hommes. Lentement, parce que les raisons de l'inégalité des genres sont parfois tellement enracinées qu'une, deux ou même plus de générations ne suffiront pas pour les mettre sur un pied d'égalité avec les hommes. Avec le professeur Patrizia Zanoni (UHasselt et UUtrecht), nous explorons les causes structurelles du clivage des genres sur le marché du travail.
De l'histoire des professions, on apprend que le statut d'une profession contribue à l'inégalité de traitement de la femme. Selon le prof. Zanoni, la profession d'informaticien en est un exemple classique. Les premiers programmeurs étaient des femmes. Jusqu'à ce qu'on entrevoie que l'ordinateur allait changer fondamentalement le monde. À partir de ce moment-là, les hommes ont repris le rôle des femmes, et le secteur est devenu un bastion masculin. Encore aujourd'hui, au 21e siècle, il est toujours difficile pour une femme de se faire engager dans le secteur ICT. « Dès que le statut d'une profession s'accroît, la compétition devient plus vive. Et le moyen le plus simple et le plus rapide d'atténuer la concurrence est d'éliminer la moitié des candidats, ou plus exactement les femmes. En procédant ainsi, le genre devient un argument attrayant pour classifier les professions masculines ou féminines. Avec comme effet secondaire pervers que certaines entreprises exploitent le clivage comme stratégie de rentabilité pour éliminer un groupe de candidats. »
« Dès que le statut d'une profession s'accroît, la compétition entre hommes et femmes devient plus vive. »
qui est le chirurgien?
Faites le test. Trouvez la solution à cette devinette. « Un père et son fils ont un accident de voiture. Le père meurt sur place. Le fils est amené en urgence en salle d'opération. Quand le chirurgien entre, il refuse d'intervenir. Son argument: « En aucun cas je n'accepterais d'opérer mon propre enfant. » Qui est le chirurgien?
On associe souvent certaines compétences narratives, discursives ou culturelles à l'un ou l'autre sexe. Mais selon le prof. Zanoni, l'hypothèse selon laquelle cette différence est dictée par la nature est absolument infondée. « Ce qui est considéré comme un job typiquement féminin dans notre culture occidentale ne l'est pas forcément dans une autre culture. » De plus, l'histoire montre que le médecin de famille et le professeur, autrefois considérés comme des jobs typiquement masculins, ne le sont plus du tout aujourd'hui.
secteurs masculins historiques
Non seulement certaines professions, mais des secteurs entiers sont historiquement dominés par les hommes ou par les femmes et dans ce cas, tout l'environnement et la culture du travail sont adaptés au genre dominant. Pour un secteur « masculin », changer fondamentalement la perception et l'image pour attirer plus de femmes représente un défi énorme (tant pour les études que pour les jobs). Et vice versa. Ce qui signifie souvent que certaines entreprises doivent réinventer leur structure et organisation traditionnelles pour devenir plus accueillantes pour les femmes.
Qu'est-ce qui empêche les femmes de poser leur candidature dans un bastion masculin? Une mobilité internationale fréquente, par exemple. De longues journées de travail. « Ou le fait que la candidate sera la seule femme dans un environnement de travail masculin. Ce n'est pas une sinécure pour une entreprise de modifier la culture dominante. Ce qui est tout aussi vrai dans l'autre sens. Dans de nombreux secteurs « masculins », cette nouvelle conception du travail en est encore à ses balbutiements, et la rémunération est toujours considérée comme le premier facteur de motivation. En bref, ces secteurs reflètent encore et toujours le stéréotype du modèle du soutien de famille. »
« Dans de nombreux secteurs 'masculins', cette nouvelle conception du travail en est encore à ses balbutiements. »
les hommes revendiquent à tort des opportunités de promotion
Le fait que de nombreuses femmes travaillent à temps partiel réduit les possibilités de carrière des femmes. En témoigne la sous-représentation des femmes au niveau de la direction ou dans les conseils d'administration. Ce qui entraîne une ségrégation verticale. Le travail à temps partiel est moins à incriminer que la concurrence des collègues à temps plein (essentiellement masculins), qui revendiquent plus d'opportunités de promotion en vertu de leurs performances et de leur disponibilité illimitée. Contrairement aux Pays-Bas ou à l'Allemagne, en Belgique, il est culturellement légitime de travailler jusqu'à l'extrême limite de ses forces. Une norme qui relègue les femmes à l'arrière-plan.
Selon le prof. Zanoni, l'effet est encore renforcé parce que de nombreuses femmes ne disposeraient soi-disant pas des compétences ou de l'expérience demandées. Ou parce qu'elles ne seraient pas impliquées au bon niveau de l'entreprise pour pouvoir évoluer vers des niveaux supérieurs. « Leurs formations et antécédents prouvent le contraire. Heureusement, les femmes sont en train d'inverser la tendance, notamment grâce à la loi des quotas de 2011, et le débat public évolue au même rythme. En 2018, une équipe sans femmes n'est plus vraiment envisageable. »
« En Belgique, il est culturellement légitime de travailler jusqu'à l'extrême limite de ses forces. »
Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Le rapport 2018 de la Commission européenne pour la Belgique confirme le clivage sur le marché du travail. Le taux d'emploi inférieur et le pourcentage plus élevé de temps partiels chez les femmes restent d'importants défis. Les décideurs doivent aujourd'hui absolument prendre conscience que l'égalité des genres entraîne une réelle plus-value économique et sociétale <lien vers l'article 3 sur les avantages de l'égalité des genres>.
*Le chirurgien est la mère.
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Plus grand prestataire de services de ressources humaines du pays, Randstad estime qu'il est essentiel, par le biais de ce blog, d'aborder sous plusieurs angles divers sujets liés au monde du travail. Cela implique que nous ne souscrivons pas systématiquement aux points de vue des spécialistes qui ont rédigé les articles.