Randstad ambitionne de toucher la vie professionnelle de 500 millions(!) de personnes dans le monde à l'horizon 2030. Cette affirmation peut sembler de la folie pure, ou un effet d'annonce pour faire monter le cours de bourse. Et pourtant, il n'en est rien. C'est une saine ambition, qui entend concrétiser un objectif très tangible. Laissez tomber le nombre 500 et l'objectif se dilue, perd de l'impact et de la détermination. Cela me fait penser à l'époque où je pratiquais encore du sport de compétition. Le saut en hauteur était ma discipline, 2 mètres 36 ma meilleure performance et un record belge – que je détiens toujours d'ailleurs. Si j'ai réussi ce saut ultime, c'est parce que je m'étais fixé mentalement cette hauteur comme objectif. Les autres tentatives ont échoué pour la simple raison que ma tête n'était pas prête à franchir la barre.
«Trop de micromanagement tue l'initiative. Donnez aux gens un cadre et suffisamment de responsabilité personnelle sur mesure.»
Mon entraîneur m'a toujours dit que j'aurais pu briser un nouveau record mondial durant cette période faste… Mais je ne suis pas du genre à regarder en arrière. Ce qui ne m'empêche nullement d'appliquer aujourd'hui, dans ma fonction de manager, les leçons du passé : laisser les gens définir eux-mêmes leurs points perfectibles. La première question que me posait mon coach après l'exécution de mes sauts en entraînement était: «Que ressens-tu en ce moment? Et que voudrais-tu améliorer?» Ce n'est qu'après qu'il me donnait ses directives. Le voilà, pour moi, le sens du leadership. Il peut arriver au manager d'intervenir ou de sévir à de rares occasions. Mais ce qui importe bien plus, c'est de donner à ses employés l'espace nécessaire pour évoluer en professionnels autonomes. Leur offrir le leadership personnel, les laisser décider, dans un environnement sécurisant, comment ils atteindront leurs objectifs. Le micromanagement est nécessaire de temps en temps. Mais pratiqué à l'excès, il tue toute initiative.
cadre et boussole
Si, en tant que COO de Randstad Group, je souhaite renforcer notre leadership sur un marché terriblement concurrentiel, je ne peux le faire que grâce à nos 1.300 collaborateurs et consultants. Sans leur contribution et leurs performances, l'entreprise peut mettre la clé sous la porte. J'ai beau être le coach, je suis, au vu de la taille de l'entreprise, bien plus loin de mes employés qu'un coach de son athlète. Pourtant, c'est à moi qu'il revient de franchir cette distance, d'insuffler à cette équipe de 1.300 hommes et femmes le bon état d'esprit pour atteindre la croissance. De motiver mes troupes à prendre plaisir à leur travail. De choisir des collaborateurs qui croient en leur objectif, qui jugent important de faire ce qu'il faut pour y arriver, qui muent leurs erreurs en processus d'apprentissage, qui embrassent un défi et apprécient les feedbacks constructifs. Non pas une fois par an, mais à tout moment opportun et à tout niveau. Au même titre qu'un athlète attend un feedback continu de la part de son coach. Et croyez-moi, c'est du boulot!
Comment traduisons-nous cela concrètement chez Randstad? C'est la question que l'on m'a demandé de traiter récemment à la social academy de la Fédération des entreprises de Belgique, aux côtés de Jacques Borlée. L'objet de la conférence étant la relation entre le sport de haut niveau, l'entreprenariat et la concertation. Je dois vous avouer mon grand étonnement de constater que personne, dans la salle, n'appliquait les neurosciences [conseil] dans son organisation ou son entreprise. Chez Randstad, nous commençons à y recourir à plusieurs endroits. Parce que mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau et l'utiliser de façon équilibrée nous amène aussi à améliorer nos performances! La question n'est pas tant de savoir si nous sommes bons ou mauvais dans telle matière, mais bien dans quels domaines nous avons plus – ou moins – de prédispositions naturelles. Si pour telle fonction il importera d'éviter toute erreur en situation de stress, pour telle autre il s'agira de faire preuve d'empathie envers les besoins et les aspirations d'un candidat. Ce n'est pas la fonction qui fait l'homme. Mais l'homme qui fait la fonction.
«Ce n'est pas la fonction qui fait l'homme. C'est l'homme qui fait la fonction.»
Pour donner toutes les chances de réussite aux aptitudes intrinsèques de nos employés, nous leur procurons non seulement un cadre dans lequel ils peuvent donner le meilleur d'eux-mêmes aussi librement que possible, mais aussi une boussole. Car à l'intérieur de ce cadre, nous sommes loin de nous focaliser sur les seuls «objectifs». Le respect des valeurs de notre groupe revêt tout autant d'importance. La connaissance, le service et la confiance en sont quelques-unes. Ces valeurs constituent notre boussole, depuis 1960 déjà. Nous connaissons nos clients, leurs entreprises, nos candidats, nos collègues. Et nous les connaissons tellement bien que nous avons leur confiance. Cette confiance stimule à son tour notre amour-propre, notre motivation et, au final, nos capacités de service et de croissance. En tant qu'individu, en tant qu'équipe, en tant qu'entreprise, en tant que groupe.
500 millions de personnes
Au fond, le succès reste plus que jamais une histoire d'êtres humains et d'empathie envers les autres. Aussi forte soit votre vision, votre mission, votre stratégie ou votre marque, si vous n'avez pas de collaborateurs qui se sentent bien dans leur job, vous ne sauterez pas bien haut. Voilà pourquoi Randstad attache tant d'importance au bien-être de ses collaborateurs dans toutes leurs dimensions – mentale, sociale, émotionnelle, financière et physique. Les chiffres démontrent la force de cette approche. Dans le « Great People Survey 2017 » organisé par notre groupe afin de mesurer le sentiment individuel de chaque travailleur, Randstad Belgique surpasse de 74% la moyenne de Randstad Group (68%) et même de loin le benchmark des sociétés de service (61%). Je n'en suis pas peu fier. Cela ne fait que renforcer ma conviction que nous sommes en effet capables de faire la différence dans la carrière professionnelle de 500 millions de personnes sur cette Terre d'ici 2030.
Eddy Annys – Managing Director de Randstad Belgium
[conseil] à lire: Daniel M. Cable, « Alive at Work. The Neuroscience of Helping Your People Love What They Do » - ISBN-13: 978-1633694255