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Les robots vont-ils voler nos emplois? En créer? Les transformer? La réponse est trois fois oui, selon le philosophe Jochanan Eynikel, auteur de “Robot aan het stuur” (“Les robots aux commandes”), pour qui “le défi sera de faire collaborer l'homme et la machine en symbiose”.

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“Nous devrons apprendre à un nombre croissant de machines à opérer des choix moraux” Jochanan Eynikel, auteur de “Robot aan het stuur” (“Les robots aux commandes”)

Si l'homme a créé les robots à son image, ceux-ci menacent à présent de supplanter leur créateur en intelligence. Ils se positionnent désormais comme ses principaux concurrents. Et s'il est une préoccupation dominante aujourd'hui, c'est bien celle de voir les robots nous prendre notre “travail”. Parce qu'ils sont meilleurs, plus rapides ou moins chers que nous, et capables d'exécuter des tâches de plus en plus complexes.

l'homme jouit d'une plus grande intelligence que le robot

Jochanan Eynikel, philosophe et expert en entrepreneuriat à orientation humaine au sein du forum pour “entrepreneurs engagés” ETION, refuse autant le défaitisme que l'optimisme absolu: “L'homme crée une technologie qui atteint de plus en plus son propre niveau, voire le dépasse, surtout en termes de puissance de calcul – pensez au superordinateur Watson d'IBM. Or, la technologie a toujours été un 'redistributeur de cartes', un 'mixeur de marché du travail': elle élimine, crée et modifie des emplois à la chaîne. Depuis la moitié des années 90, le nombre de postes routiniers qui n'exigent guère de travail de réflexion ou d'opérations manuelles complexes n'a cessé de diminuer, alors qu'on continue de créer des jobs non routiniers.”

L'être humain reste plus performant que le robot dans un travail de réflexion créative, en matière d'intelligence sociale et dans l'interprétation et la manipulation de son environnement. “Les robots ne menacent pas non plus les jobs qui impliquent des opérations manuelles complexes – pensez au coiffeur”, complète Jochanan Eynikel. “En outre, la technologie ne cesse de créer de nouveaux emplois, comme l'industrie des applications dans le sillage du smartphone.”

l'homme devient “superviseur”, le robot fait le travail

Jochanan Eynikel met cependant en garde contre une rationalisation excessive des emplois, telle que l'esquisse un rapport d'étude européen de 2016. “Si le routier devient un simple 'gardien' de son camion, si l'agriculteur suit ses poules voire des tracteurs autonomes depuis son ordinateur, si le médecin généraliste ne consulte que par téléconférence et que sa tâche consiste principalement à suivre les données que le patient transmet via des appareils portables, l'être humain se transforme en 'superviseur' de processus prévisibles et peu ou prou automatisés.”

Le risque est alors de sombrer dans l'ennui et l'aliénation, ce qui empêche la réalisation de soi. “Nous devrons trouver un équilibre entre 'j'aime mon travail et la technologie m'assiste' et 'la technologie est dominante et je me contente de suivre les chiffres.”

la technologie nous libère des tâches monotones

La technologie, ceci dit, peut et va nous libérer. Elle a le pouvoir de prendre en charge des tâches qui ont moins de sens – les formalités administratives, pour ne citer qu'elles – et de permettre aux infirmières et aux professeurs de se concentrer vraiment sur les soins et l'enseignement. Elle donne accès à un gigantesque réseau grâce auquel nous pouvons nous épanouir et générer des revenus via des services peer-to-peer. Grâce à elle, nous pouvons de plus en plus nous prendre en main pour organiser notre travail ou proposer nos services au marché.

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“Ceci concerne surtout les personnes créatives et entreprenantes qui ont peu à craindre de l'automatisation de leur métier”, nuance Jochanan Eynikel. “Celles qui font preuve de moins de créativité dans leur activité aujourd'hui seront plus sujettes au chômage technologique à l'avenir.”

une machine peut-elle poser des choix moraux?

Aujourd'hui, les développeurs de robots ne ménagent pas leurs efforts pour intégrer une conscience éthique dans les algorithmes. Selon Jochanan Eynikel, cette démarche recèle de nombreuses conséquences morales que nous devons anticiper.

“Ma conviction est celle-ci: plus des décisions sont basées sur la puissance de calcul, plus nos valeurs morales d'êtres humains gagnent en importance. À moins que les robots ne développent un jour une conscience par eux-mêmes – ce en quoi je ne crois pas – les machines n'auront jamais d'éthique. Nous devrons apprendre à un nombre croissant de machines à opérer des choix moraux. Dans la sécurité, il existe déjà des robots qui signalent des comportements suspects à la police, mais nous devons y intégrer des possibilités de choix.” Selon Jochanan Eynikel, des robots soignants ou des robots sociaux ne remplaceront jamais à 100% un prestataire de soins ou un ergothérapeute. “Si une personne âgée se sent seule, vous pourrez parfaitement programmer un robot pour répondre 'je vous comprends' ou 'je compatis', mais cet ordinateur ne saura pas ce qu'est la solitude. L'ordinateur ne pourra jamais faire preuve de véritable empathie.”