Début juin, Randstad et le bureau d’avocats spécialisé Claeys & Engels ont organisé un webinaire à propos des récents changements en matière de licenciement en Belgique. Avec l’avocat Olivier Wouters, qui a partagé son expertise lors du séminaire, nous passons en revue les modifications les plus importantes.
la loi sur le statut unique a fait l’objet d’une simplification majeure: que devons-nous savoir de cette règlementation, et qu’est-ce qui change exactement?
Olivier Wouters: « La loi sur le statut unique existe depuis le 1er janvier 2014 et fournit des règles de licenciement dans un système à deux niveaux. Pour les ouvriers et les employés dont le contrat de travail a pris effet au 1er janvier 2014 ou plus tard, un système de semaines est d’application. Pour les travailleurs dont le contrat de travail a débuté avant cette date, il existe une règle appelée ‘de la double photo’. Une première ‘photo’ est prise de l’ancienneté au 31 décembre 2013 et l’on fait comme si chaque licenciement a lieu à cette date, en appliquant les anciennes règles de licenciement. La deuxième photo concerne l'ancienneté acquise par le travailleur depuis le 1er janvier 2014. Pour cette partie de l'ancienneté, le délai de préavis est calculé selon le système des semaines.
Le législateur opte désormais pour une simplification dans le cadre de la démission des ouvriers et employés, qui impliquait auparavant une méthode plutôt complexe. À partir du 28 octobre 2023, la règle de la double photo prendra fin et le calcul du délai de préavis pour ces personnes se fera de la même manière que pour les travailleurs dont le contrat de travail a pris cours après le 1er janvier 2014: via le système de semaines, plafonné à un maximum de 13 semaines de préavis. »
la nouvelle loi sur le deal pour l’emploi a-t-elle des conséquences pour les licenciements?
Olivier Wouters: « Pour le licenciement, deux éléments ont été introduits : le parcours de transition et les incitants à l'employabilité. Grâce au parcours de transition, un travailleur a la possibilité de prester la totalité ou une partie de son préavis chez un autre employeur. Un tel système peut s’avérer utile lorsque l'employeur actuel n'a plus de travail pour la personne en question et que le futur employeur a besoin de renfort. Ce dernier peut alors faire usage d’une sorte de période d'essai. Ce sont de belles intentions, mais il reste à voir si cette mesure sera fréquemment appliquée dans la pratique.
Les mesures d'incitation à l'employabilité reposent sur l'idée qu'un salarié ayant un préavis d'au moins trente semaines prestera (ou percevra) deux tiers du préavis (ou de l'indemnité de licenciement). Le reste sera consacré, par exemple, à un accompagnement supplémentaire d’outplacement, ou à une formation. La valeur de ce montant correspond à la cotisation patronale sur le salaire de la période de préavis de cette deuxième partie. Malheureusement, il est difficile de savoir comment ces règles seront mises en œuvre concrètement. Il faut attendre les éclaircissements du législateur et des administrations de l’ONEM et de l'ONSS. »
un employeur peut-il encore alterner des contrats de travail à durée déterminée et des contrats de remplacement?
Olivier Wouters: « Quand on travaille avec des contrats de travail à durée déterminée, il y a des règles strictes à respecter. Sinon, il s’agit de contrats à durée indéterminée, avec toutes les conséquences que cela implique. Quand il faudra mettre fin à ces derniers, les règles de licenciement classiques seront en vigueur: calcul du délai de préavis, indemnité de préavis, motivation du licenciement…
Il existait déjà une règlementation concernant les contrats à durée déterminée successifs, mais elle a été complétée. Certains employeurs alternaient les contrats à durée déterminée et les contrats de remplacement : une lecture au pied de la lettre de la loi le permettait, mais un récent arrêt de la Cour constitutionnelle a mis fin à cette interprétation. Le législateur s’est vu obligé d’intervenir et a donc ajouté un nouvel article à la loi sur les contrats de travail. Depuis le 8 mai 2023, ceux qui ne respectent pas cette règle contractent automatiquement un contrat à durée indéterminée.
Le nouvel article établit que la succession d’un ou plusieurs contrats à durée déterminée et de contrats de remplacement peut durer maximum deux ans en tout. Il existe toutefois deux exceptions. Si une interruption est imputable au salarié, par exemple lorsqu'il ou elle occupe un nouvel emploi, une nouvelle période de deux ans commence. Et dans le cas d'un contrat de remplacement faisant suite à plusieurs contrats à durée déterminée, et si cette succession est justifiée par la nature du travail ou par une autre raison légale, la durée totale est portée à trois ans maximum. »
la rupture du contrat pour force majeure médicale est-elle toujours possible?
Olivier Wouters: « Le gouvernement mise plutôt sur l’encouragement du retour au travail des travailleurs malades à longue durée. Et de fait, fin de l’année dernière, une nouvelle règlementation a vu le jour dans le cadre de la réintégration des travailleurs malades. La loi a été divisée en deux parties. L’une est consacrée aux mesures visant à la réintégration. À la demande du travailleur ou de l'employeur, un conseiller en prévention ou un médecin du travail peuvent notamment mener une enquête et prendre une décision.
Le médecin peut décider que la personne est temporairement ou définitivement inapte à effectuer son travail, mais qu'elle pourrait exercer un autre emploi au sein de l'organisation. Une autre conclusion possible est qu’il ne semble pas réaliste, pour des raisons médicales, de poursuivre le parcours de réintégration. En aucun cas, ces situations ne mèneront à la rupture du contrat de travail.
D’autre part, le législateur a établi une règlementation distincte pour la force majeure médicale, destinée aux travailleurs qui sont malades pendant une période ininterrompue de minimum neuf mois. L’employeur peut alors lancer une procédure de force majeure médicale, avec pour résultat la rupture du contrat de travail sans préavis ou indemnité. Dans une telle situation, ce n’est pas l’employeur ou l’employé, mais l'incapacité de travail définitive qui entraîne la rupture du contrat de travail.
En outre, le législateur fait peser sur l’employeur une plus grande charge de preuve. Avant qu’il puisse effectivement être question de force majeure médicale, l'employeur doit étudier, motiver et documenter de façon approfondie le fait qu’un emploi alternative fasse ou non partie des possibilités dans l’entreprise. »
qu’en est-il de l’indemnité de licenciement d’un travailleur à temps partiel? Comment faut-il la calculer aujourd’hui?
Olivier Wouters: « Une indemnité de licenciement est calculée sur la base du salaire actuel, c’est-à-dire le salaire auquel une personne a droit au moment de la rupture du contrat de travail. Il y a néanmoins eu beaucoup de discussions dans la jurisprudence à propos du montant auquel s’élève exactement le salaire actuel après une réduction de la prestation de travail. Dans un contrat de travail à temps partiel classique, c'est très simple : nous prenons une photo du salaire effectif au moment du licenciement. Mais les choses deviennent plus complexes dans des situations telles que le crédit-temps, la pause-carrière, le congé parental, le congé palliatif ou le travail temporaire adapté après maladie.
L'introduction d'une nouvelle loi le 7 octobre 2022, d’application depuis le 10 novembre, a uniformisé les règles. Quand un contrat de travail est résilié au cours d’une période de réduction temporaire de la prestation de travail, il s'agit du salaire auquel l'employé aurait eu droit initialement. Cette fiction s'applique à condition que la réduction de la prestation de travail ne soit pas à durée indéterminée, comme dans le cas d’un crédit-temps fin de carrière à mi-temps sans durée maximale, par exemple. Sinon, c'est le salaire au moment de la rupture de contrat qui prévaut, de même que pour le calcul des indemnités de protection. »
quelles sont les nouvelles protections contre le licenciement à ne surtout pas perdre de vue?
Olivier Wouters: « Un nombre conséquent de nouvelles protections contre le licenciement ont été introduites, et d'autres ont été adaptées. Tout ce tsunami de lois et de protections cadre d’ailleurs dans l'ambition européenne d'œuvrer en faveur d'un équilibre plus sain entre travail et vie privée et d’une meilleure répartition des rôles dans la charge professionnelle et familiale, pour un meilleur accès des femmes au marché du travail. En effet, il ne suffit pas d'introduire des systèmes de congé, une protection adéquate est tout aussi indispensable. En cas de licenciement, l’employeur se doit de vérifier soigneusement si la personne bénéficie d'une certaine protection. Pensez notamment au congé de maternité, congé de naissance, congé de soins, congé d'adoption... Le licenciement reste possible dans ces cas-là, mais ne peut jamais être lié à la demande d'un tel système de congé.
Ce qui est nouveau, c'est que dans certains cas, la loi prévoit aussi une protection contre la préparation d'un licenciement pendant la période de protection, même si le licenciement n'intervient qu'après la fin de cette période. Le fait de décider d’un licenciement ou de publier un poste vacant en vue d'un remplacement définitif sera désormais assimilé à un licenciement pendant la période de protection. En tant qu'employeur, vous ne pourrez donc plus éviter les frais de protection par le choix stratégique du moment du licenciement.
De plus, le législateur prévoit désormais une protection spécifique pour les personnes qui ne voient pas leur contrat de travail temporaire renouvelé, après la naissance d'un enfant par exemple. L'employeur doit pouvoir démontrer pourquoi il ne renouvelle pas un contrat ou ne le transforme pas en contrat à durée indéterminée.
Il existe également une nouvelle protection dans la législation sur les lanceurs d’alerte, et il est aussi intéressant de prendre le temps de réfléchir au droit d'un travailleur de demander un aménagement de travail flexible. S'il n'existe pas de droit absolu à l'adaptation immédiate d'un régime de travail, il existe désormais une sorte de procédure de dialogue avec un droit de demande pour l'employé et un devoir de réponse pour l'employeur. Justifier davantage et mieux ses décisions en tant qu'employeur, telle est la devise. Le meilleur conseil aux entreprises est de toujours bien documenter les motifs de licenciement.
Dans le cas d'une réorganisation, vous devez être en mesure de prouver que les raisons du licenciement n'ont rien à voir avec l'individu lui-même. Et si vous signalez des problèmes de performance, vous devez pouvoir les justifier. Plus que jamais, les responsables RH doivent attirer l'attention des dirigeants sur ce point. »