La levée de l’obligation de télétravailler place de nombreuses entreprises devant un nouveau dilemme : faut-il revenir à l’ancienne culture de contrôle ou plutôt miser sur l’autonomie inhérente au travail à domicile ? Nous avons demandé l’avis de Frans van de Ven, Executive Coach & Talent Strategy Advisor chez Randstad RiseSmart et auteur de « Iedereen kan leiden » (Tout le monde peut diriger).
maintenant que le télétravail n’est plus obligatoire, de nombreuses entreprises adoptent un système combinant journées de travail au bureau et à domicile, selon un schéma fixe.
Frans van de Ven : « C’est en effet une situation fréquente, mais je pense que l’on ferait mieux de laisser aux employés une plus grande marge de manœuvre, en apprenant aux managers à conclure des accords qui rencontrent à la fois les besoins des individus et ceux de l’équipe. Cela peut varier d’un service à l’autre : le contexte n’est pas le même dans un atelier de production que dans un laboratoire, ou encore au département des ventes. Il faut donc former le management pour qu’il s’attaque au problème de manière structurée et réfléchie. S’il s’avère ensuite que des règles plus générales sont nécessaires, on pourra toujours examiner cela à un stade ultérieur, mais plutôt comme un dernier recours. »
le fait que chaque manager adopte sa propre approche du travail hybride n’entraîne-t-il pas des problèmes de coordination ?
Frans van de Ven : « C’est en effet un point important. Le principe de l’égalité de tous devant la loi est beaucoup plus simple à appliquer, mais dans le contexte actuel, il n’est pas toujours souhaitable. À une époque où les talents sont rares, je ne pense pas que les entreprises puissent opter pour la solution de facilité. Les employés ne se laissent plus enfermer dans des règles rigides. À l’heure actuelle, ils veulent qu’on leur assigne une tâche ou un objectif, et qu’on les laisse ensuite agir librement et de façon responsable. De nombreux candidats préféreront cette démarche à l’ancien système paternaliste. La coexistence d’approches différentes peut être résolue par la discussion. Rien n’empêche d’examiner les points de vue d’autres managers sur le travail hybride et d’en tirer des leçons. »
dans un système où chacun se voit confier des responsabilités, comment aider les employés qui ont du mal à assumer celles-ci ?
Frans van de Ven : « L’organisation ne doit pas tomber dans le piège d’imposer les mêmes règles à tous sous un tel prétexte. Je ne plaide pas pour que l’on bannisse toute règle, mais pour que l’on conclue des accords adaptés à chaque équipe. On établit souvent des règles strictes en raison des 2 % d’employés « plus passifs ». C’est dommage. Il vaut mieux laisser 98 % des effectifs travailler à leur guise et examiner comment intégrer les 2 % restants dans la culture de l’entreprise. »
conclure des accords, c’est une chose, mais le défi n’est-il pas avant tout d’abolir tout contrôle ?
Frans van de Ven : « C’est exact. La pandémie a tordu le cou au mythe du contrôle exercé par les managers. Les employés ont travaillé à domicile pendant des mois et, mis à part quelques retards, notre économie n’a pas été paralysée. Chacun a continué à accomplir ses tâches sans être supervisé huit heures par jour par un manager. Cela prouve à mes yeux que les gens peuvent travailler de manière beaucoup plus autonome. Les obstacles n’ont pas manqué, l’impossibilité de se réunir n’avait rien d’idéal, mais cela montre bien que les gens sont capables de se surpasser. Donner aux gens plus d’autonomie et les soutenir dans leur leadership personnel entraîne un gain, tant en termes de résultats pour l’entreprise que de satisfaction au travail. »
comment décririez-vous au juste ce leadership personnel ?
Frans van de Ven : « Randstad RiseSmart considère le leadership personnel comme un processus de prise de conscience de soi qui permet de comprendre l’influence que l’on exerce sur son environnement. À partir de là, on peut utiliser délibérément et positivement cette influence pour donner le meilleur de soi-même et inciter les autres à faire de même, de manière à réaliser les objectifs de l’organisation. Mon livre « Iedereen kan leiden » expose clairement la vision de Randstad RiseSmart : il ne s’agit pas d’un modèle de leadership, mais de deux principes très concrets à mettre en œuvre. Tout d’abord, pour pouvoir influencer les personnes qui vous entourent, vous devez établir des relations positives avec elles. C’est une question de confiance, de respect, d’autonomie et de sens. Vient ensuite le travail sur mesure : vous devez adapter votre leadership personnel au contexte particulier. Dans telle situation, il faudra faire preuve d’empathie et orienter les gens ; dans une autre, il faudra se montrer au contraire très directif. »
pourquoi est-il important aujourd’hui que les entreprises embrassent le leadership personnel ?
Frans van de Ven : « C’est aujourd’hui ou jamais qu’il convient d’investir dans le leadership personnel. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. La "poussée" hors de la zone de confort au cours des deux dernières années a déclenché un important processus d’apprentissage. Les défis soulevés par l’autonomie accrue sont l’impulsion parfaite pour que les employés développent leur leadership personnel, afin d’obtenir le meilleur d’eux-mêmes et des autres. Il serait dommage de retomber dans le système de contrôle paternaliste. Le temps que l’on y consacre pourra être mieux mis à profit en formant les gens à gérer correctement leur liberté. »
Frans van de Ven, Executive Coach & Talent Strategy Advisor chez Randstad RiseSmart, est l’auteur du livre « Iedereen kan leiden », sur le leadership personnel en entreprise. En tant que conférencier invité, notamment à l’Antwerp Management School, il partage sa passion pour le leadership personnel.